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mardi 15 mai 2012

Les fils de Toussaint Louverture

La frégate qui portait les enfants de Toussaint Louverture s’était en vain présentée devant le Cap le 15 pluviôse (3 février). La terre lui avait refusé des pilotes, et les balises ayant été enlevées, elle n’avait osé s’engager dans les passes ; par suite de cette circonstance, la guerre était en pleine activité avant que les jeunes Louverture eussent pu lui remettre la lettre du premier consul et remplir leur mission de paix. Toussaint Louverture n’arriva à Ennery que dans la nuit du 20 au 21 pluviôse (du 8 au 9 février 1802) à deux heures du matin, il les embrassa avec émotion. M.Coisnon, leur instituteur voyant des larmes couler crut le moment favorable pour dire : « Est-ce bien Toussaint, le serviteur de la France, qui me tend le bras ? »Toussaint Louverture lui répondit, en se jetant à son cou : « Pouvez-vous en douter ! »M.Coisnon lui dit alors : « Général, vous allez entendre vos enfants ; ils sont en ce moment auprès de vous les fidèles interprètes des intentions du premier consul et du capitaine général de la colonie ; croyez à leur innocence et à la pureté de leurs sentiments ; c’est l’exacte vérité qu’ils vont vous annoncer. » Le jeune Isaac prit la parole et rendit fidèlement à son père ce que lui avait dit le premier consul et le capitaine général leclerc.
Toussaint embrassa ses fils avant de s’en séparer. Ce ne fut que dans la nuit du 22 au 23 pluviôse (du 11 au 12 février 1802) que M.Granville qui élevait dans son institut des Gonaïves le troisième fils de Toussaint Louverture arriva à Ennery, porteur d’une dépêche. En effet Toussaint Louverture lui avait intimé l’ordre de ramener au capitaine général Leclerc ses enfants venus de France.
Le capitaine général s’empressa de lui renvoyer ses enfants, avec une réponse dans laquelle il l’engageait à venir concerter avec lui les moyens d’arrêter les désordres à Saint-Domingue lui donnant sa parole « que le passé serait mis en oubli ; qu’il serait traité avec la plus grande distinction, s’il se rendait à l’appel qu’on lui faisait, il serait à l’instant même proclamé le premier lieutenant du capitaine général de la colonie. »
Le général Leclerc finissait sa lettre en disant à Toussaint Louverture que bien qu’il eût pour instruction précise de ne point discontinuer les opérations de guerre, s’il était dans le cas de les commencer, il voulait bien dans l’espoir d’un rapprochement, condescendre à une armistice de quatre jours ; mais que passé ce délai, il le déclarerait par une proclamation, ennemi du peuple français, et le mettrait hors la loi.
Toussaint Louverture dit à ses enfants qu’il « les laissait libre de choisir entre leur patrie et leur père ; qu’il ne blâmait pas leur attachement pour la France à laquelle ils devaient leur éducation ; mais qu’entre la France et lui il y avait sa couleur… « Mes enfants, prenez votre parti ; quel qu’il soit je vous chérirai toujours. »
Isaac se détache tout à coup des bras de son père : « Eh bien : lui dit-il, voyez en moi un serviteur fidèle de la France, qui ne pourra jamais se résoudre à porter les armes contre elle. »
Toussaint pétrifié bénissait Isaac alors même qu’il s’éloignait. Pendant ce temps son autre fils nommé Placide se jetait en sanglotant à son cou : « Je suis à vous, mon père ; je crains l’avenir, je crains l’esclavage ; je suis prêt à combattre pour m’y opposer ; je ne connais plus la France. »
Toussaint Louverture lui remit alors le commandement d’un des bataillons de sa garde. Le commandant Placide Louverture sera lui aussi l’un des pères de la révolution de Saint-Domingue.
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