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jeudi 26 août 2010

Brand Haïti et le sandwich au poulet

Haïti: Une Fondation montée par des Irlandais a embauché une firme qui travaille depuis des mois sur une proposition pour relooker la marque « Haïti ». Pour nous donner une nouvelle identité qui, dans un second temps, pourra nous aider à mieux vendre notre image, nos produits, notre pays comme destination. A écouter les experts de la boîte qui reviennent d'une fructueuse mission en Afrique du Sud, tout est possible. Le pays n'est pas si abîmé, sauf si on confond la République de Port-au-Prince avec Haïti. La violence n'est pas endémique, nous avons l'attention du monde entier etc., etc,.
Toute une liste de bonnes nouvelles qui sont atténuées quand on commence à se poser des questions pratiques : ne va-t-il pas avoir un conflit entre les travaux de ce groupe et ceux de la firme-Commission présidentielle qui travaillent sur la compétitivité ? Ce genre de travaux, ceux de la commission comme ceux de cette fondation, intéressent-t-ils vraiment les politiciens en pleine période électorale ? Y seront-ils sensibles après ? Faire d'Haïti un pays gagnant est-il dans le plan de qui que ce soit ?
Emporté par les explications de l'un des panélistes de la rencontre de ce mercredi, je me suis laissé convaincre qu'un jour tout sera possible. Les ambitions rencontreront les avis d'experts. Le secteur privé trouvera la masse critique et réduite des très grands capitaines capables d'imposer leurs vues (bonnes pour le pays et pour leurs pairs) à l'ensemble des acteurs petits, moyens et grands. La société civile cessera de s'embourber dans les chemins tortueux de la politique pour penser pays global et les décideurs politiques acquerront la maturité et la sérénité qui permettent de penser le long terme.
Autosuggéré, je suis parti confiant et le ventre vide vers une autre réunion qui devait se tenir dans un lieu dédié à la sustentation. Plaisante perspective.
Cela m'amena à un petit restaurant de Pétion-Ville qui facture 12 dollars américains son sandwich au poulet. Ce que je découvris qu'à la fin du repas.
Par son prix, ce restaurant se classe, sans peine, dans la cour des grands. Tout s'y passe d'ailleurs dans une cour. Bien aménagée certes, mais réduite à une simple galerie ombragée. Le sandwich a dû s'ajuster au prix du loyer, me suis-je dit en découvrant la facture. A cela seulement. Car ni le pain rassis, ni le poulet invisible, ni la mayonnaise généreuse et surtout pas la salade laitue-tomate un peu fatiguée qui donnait un peu de couleur à la composition, aucun des ingrédients ne peut expliquer le prix pratiqué. Tandis que le loyer pétionvillois, lui, oui.
12 dollars, sans frites et avec un service approximatif, il faut le faire et surtout en omettant d'afficher un tel piège au menu, comme ce restaurant a bien su le faire. Sauf si c'est ce pain au Viagra, ce tiers de baguette, vrai pilotis en gaïac, qui propulsa la facture si haut ! Réussir à transformer un ramassis de déchets en plat et servir sans gêne ni inquiétude aux clients un tel pensum est un exploit qui vaut aussi son pesant d'or. La restauration est l'art d'accommoder les restes, a dit un grand chef. Là, ils exagèrent !!!
Le client que j'étais a fait une ou deux blagues avec le serveur qui riait sous cape. Lui aussi s'est sans doute dit qu'il n'achèterait pareille marchandise nulle part... à ce prix.
Ce chef d'oeuvre de la malbouffe illustre à lui seul le mauvais service et la nonchalance du secteur de la restauration sous nos cieux. Le mauvais service et la nonchalance, deux vitrines cassées qui desservent le pays et son image. La joie de vivre que l'on peut éprouver en mangeant bien et sain est assassinée en ce restaurant. Et pas seulement dans ce lieu.
Cette mésaventure m'est survenue à la sortie d'une réunion de présentation du projet Brand Haïti. Et d'un coup assommé, je me suis dit que pour faire la marque, il faut le produit. Dans chaque secteur, pour chaque détail, il va falloir un gigantesque travail de mise à niveau.
Qui va s'en occuper ? Le marketing ne nous sauvera pas tout seul...
Frantz Duval
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=82887&PubDate=2010-08-25

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