Google

vendredi 19 mars 2010

Reportage : En Haïti, dans le camp d'hébergement de Croix-des-Bouquets, la vie s'organise

Croix-des-Bouquets (Haïti) Envoyé spécial Plus de deux mois après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti - qui a fait plus de 230 000 morts et 1,3 million de sans-abri, à Port-au-Prince et dans plusieurs villes de province -, le premier "centre d'hébergement" a été inauguré à Croix-des-Bouquets, une ville située à une quinzaine de kilomètres à l'est de la capitale.


LA RECONSTRUCTION NÉCESSITERA 3,8 MILLIARDS DE DOLLARS
Près de 350 millions de dollars d'appui budgétaire à court terme et 3,8 milliards pour engager la reconstruction d'Haïti durant les dix-huit prochains mois : les autorités haïtiennes ont présenté les besoins de leur pays dévasté par un séisme le 12 janvier, devant la réunion des bailleurs de fonds, mercredi 17 mars à Saint-Domingue.
Les dégâts se chiffrent à 7,8 milliards de dollars, 120 % du PIB d'Haïti en 2009. Edmond Mulet, le chef de la mission des Nations unies en Haïti, a appelé la communauté internationale à poursuivre ses efforts et aussi à mieux coordonner l'aide internationale et renforcer les institutions haïtiennes.
Un souci partagé par le premier ministre d'Haïti, Jean-Max Bellerive, qui s'est dit favorable à la création d'un fonds fiduciaire international pour garantir la transparence dans l'utilisation de l'aide internationale.
La plupart des sans-abri sont entassés dans des campements improvisés, dans des conditions sanitaires exécrables. Selon le bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, 220 000 d'entre eux sont particulièrement menacés par la saison des pluies, qui commence en avril. Après la première phase d'urgence, la mise à l'abri de ces sinistrés est la priorité des autorités haïtiennes.
De robustes tentes blanches et beiges, pouvant accueillir chacune une famille de cinq personnes, s'alignent sur le terrain d'un peu plus de 4 hectares à Santo, en bordure de Croix-des-Bouquets. "Au total, nous prévoyons d'héberger 400 familles, environ 2 000 personnes, sur ce terrain d'un peu plus de 4 hectares cédé pour un an par la famille Romain", explique Jean Darius Saint-Ange, le maire de Croix-des-Bouquets. "Ce n'est qu'un début. Il faudra aménager d'autres sites. Nous avons près de 100 000 déplacés sur la commune. Et puis, il faut relancer l'activité économique, rouvrir les écoles", ajoute le maire.
Emmanuel Eliannette est l'un des heureux bénéficiaires. Ce petit commerçant âgé de 29 ans et père de trois enfants a tout perdu : sa maison qui s'est effondrée et son stock de marchandises. En short, il installe les trois matelas que viennent de lui donner des secouristes venus de la République dominicaine voisine. "Mes enfants ont reçu des aliments, mais ma femme et moi pas encore", dit-il, assis dans sa nouvelle demeure.
D'autres n'ont pas eu la chance de voir leur nom sur la liste dressée par la mairie. "J'ai sept enfants, pas de travail, nous dormons dans la rue, aidez-moi", soupire Pierre Moïse Augustin, qui tente sa chance auprès des autorités venues assister à l'inauguration du centre d'hébergement. En bordure du camp, des centaines de personnes sont toujours entassées sous des draps, des bouts de bâche et de carton.
"Il ne s'agit pas seulement de dresser des tentes. Un travail de terrassement et de drainage a été réalisé pour que le terrain reste sec à la saison des pluies", explique Marc Van Wynsberghe, coordonnateur du programme de prévention des désastres des Nations unies. L'ONG Oxfam est chargée de la distribution d'eau potable et de kits d'hygiène personnelle ainsi que de l'installation de latrines. "Il y aura une latrine chimique pour cent personnes", assure Jenny Lamb, la responsable d'Oxfam.
Pourquoi, à deux mois du séisme, n'a-t-on pas installé davantage de camps sécurisés et aménagés ? "La grande difficulté est de trouver des terrains disponibles et non inondables", souligneGiovanni Cassani, coordinateur de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui a fourni les tentes. "Nous avons commencé l'aménagement de deux nouveaux sites, qui pourront accueillir l'un 3 000 et l'autre 1 500 sinistrés", ajoute-t-il.
Le gouvernement haïtien a engagé des négociations avec plusieurs grands propriétaires terriens disposant de domaines qui pourraient accueillir de nouveaux centres d'hébergement. Mais il ne dispose pas des fonds nécessaires pour les indemniser.
Ni l'Union européenne, qui finance en partie le centre de Croix-des-Bouquets, ni l'OIM, ni les autres agences partenaires des Nations unies ne sont en mesure de chiffrer le coût du projet."Autour de 500 000 dollars, sans compter le terrain, fourni par la mairie", estime Marc Van Wynsberghe. Selon lui, l'opération est un succès grâce à l'implication de la défense civile dominicaine, qui assure la logistique et la gestion du camp.
"Les experts internationaux qui arrivent en hélicoptère multiplient les réunions de coordination et les rapports pour que tout soit parfait. Les secouristes dominicains ont l'habitude de travailler avec trois bouts de ficelle. Quand les boulons ne sont pas arrivés, ils ont réglé le problème avec du fil de fer", raconte-t-il. Une coopération Sud-Sud saluée par le maire de Croix-des-Bouquets, qui s'est félicité que la catastrophe ait permis de surmonter les vieux antagonismes entre les deux peuples se partageant l'île d'Hispaniola.
Jean-Michel Caroit
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/03/18/en-haiti-dans-le-camp-d-hebergement-de-croix-des-bouquets-la-vie-s-organise_1320996_3244.html#ens_id=1290927

Aucun commentaire: