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mardi 23 décembre 2008

Une route qui fait rêver

S'il a été, et est toujours, agréable de se retrouver sur les berges du Fer-à-Cheval ou sur les rives du lac de Péligre, de flâner dans les rues de Hinche ou de Thomonde, il n'était pas du tout amusant de penser au trajet et de prendre la route qui va de Port-au-Prince à Hinche, une route qui avait tout pour être une véritable torture. Et les habitants de ce département n'avaient d'autre rêve que de voir le chemin tortueux qui desservait leur région devenir une route, une vraie, sur laquelle il serait agréable de rouler.
La construction de la route qui va de Croix-des-Bouquets à Hinche revêt donc une importance particulière pour le développement économique du département du Centre, sans compter son apport dans la vie sociale de ses habitants. Large, bien construit, le tronçon de route qui va du bas du morne « Kabrit » à la localité de « Terre- Rouge » est on ne peut plus agréable. Suivant pratiquement le tracé de l'ancienne route, il paraît pourtant beaucoup moins sinueux et les pentes semblent moins ardues. Le drainage semble avoir été bien étudié dans son ensemble et il est peu probable que cette route nationale numéro 3 puisse être endommagée par les prochaines averses (il n'est que d'attendre !). La vue extraordinairement prenante et grandiose que l'on a de la plaine du Cul-de-Sac et du lac Azueï suffit à faire de cette Nationale une véritable attraction touristique. La route traversant un vaste territoire très peu habité, le silence environnant n'est troublé, très souvent, que par le ronronnement des moteurs et les cris des insectes. Il n'y a que quelques hameaux où une certaine activité humaine apporte une note de vie, troublant cette ambiance de paix que l'on retrouve un ou deux kilomètres plus loin.

Cette route, sensiblement moins dangereuse que la précédente, présente cependant quelques faiblesses au niveau de la sécurité, faiblesses dues probablement au fait que les travaux ne sont pas encore terminés, en dépit des apparences qui laisseraient croire le contraire. Au niveau de certaines courbes, il n'y a pas encore de parapet, bien que les bordures de la route en soient pourvues presque partout. Bien construits et d'apparence très solides, ces parapets de pierres et de béton sont ce qu'il pouvait y avoir de plus rassurant sur cette route bordée de précipices. De plus, esthétiquement, ils s'intègrent beaucoup plus harmonieusement au décor que les habituels garde-fous en métal auxquels nous sommes habitués. Quelques dizaines de kilomètres après avoir traversé « Terre-Rouge », le décor change. Par endroits, la route est encore en terre battue et des hommes, répartis en plusieurs groupes, sont au travail sous le chaleureux et chaud soleil tropical, s'échinant à construire les canaux d'évacuation et les déversoirs, tandis que d'autres s'occupent de la pose de tuyaux d'adduction d'eau potable. Plus loin, les pelleteuses, compacteuses et autres tracteurs sont occupés à préparer la chaussée pour l'asphaltage. La route garde la ligne. Elle est toujours tout aussi large et devient de moins en moins sinueuse au fur et à mesure que l'on approche de Mirebalais. La route n'est pas encore asphaltée et, par endroits, il existe encore des crevasses et des flaques de boue. Cependant, on est loin de la route impraticable qui rendait le trajet infernal. On en est déjà au point où une petite voiture peut oser tranquillement partir de Port-au-Prince à destination de Mirebalais. Ce n'est déjà pas si mal ! On peut déjà imaginer le plaisir que l'on aura à se rendre dans le Plateau central !Le seul vrai inconvénient est le risque assez élevé d'éboulements sur plusieurs points de la route, risque qu'il est réellement difficile de pallier, car le coût des travaux risquerait d'être particulièrement élevé. Malheureusement, tout ne saurait être parfait. Le département du Centre, en dépit de son importance économique et stratégique au sein de la République, n'a jamais bénéficié, tout comme celui des Nippes, d'une attention particulière de la part des autorités gouvernementales concentrées à Port-au-Prince. Laissé pour compte, il s'est tourné, économiquement, vers la République voisine qui est devenue, pour lui, un partenaire privilégié avec qui, pourtant, le commerce est tout, sauf équitable.
Le Plateau central, en dépit de certaines contraintes géologiques et autres, a une grande importance pour le développement de l'agriculture. La zone, dont le sous-sol est particulièrement riche en argile, se prête volontiers à la création de lacs collinaires qui sont extrêmement importants pour le développement de l'aquaculture, une activité dont les retombées ne peuvent être que bénéfiques pour les cultivateurs de la région.
Grands producteurs d'avocats et de « pois congo » (haricots), les cultivateurs, devant l'absence d'infrastructures et face aux difficultés de transport, se sont encore une fois tournés vers la République dominicaine, pour écouler leurs produits qui sont généralement bradés à vil prix. Ce qui ne profite en rien à l'économie nationale. De plus, on connaît l'importance que revêt la production de mangues pour l'économie du pays qui en est le quatrième exportateur mondial. L'absence de routes, de voies de pénétration handicapent les activités des secteurs concernés par la production et la commercialisation de cette denrée.

Reprenons la route !Passé Mirebalais, c'est vraiment autre chose. Poussière, rocaille, nids-de-poule, crevasses, tout y est ! On en revient au bon vieux temps, quand se rendre à Hinche était toute une expédition qu'il fallait préparer à l'avance, en saison pluvieuse. Vivement que les choses changent !Cette route peut changer la réalité économique et sociale des habitants du département du Centre, et contribuer à l'intégration réelle de la région dans le processus de développement économique et touristique de tout le pays. Ce n'est là qu'un pas, un tout petit pas, mais dans la bonne direction.

Patrice-Manuel Lerebours

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