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lundi 25 février 2008

Haïti – Insolite : "Panama mwen tonbe…"



Il s’agit d’une foire annuelle de chapeaux à ciel ouvert organisée spontanément durant les trois jours gras par des artisans, des chapeliers qui investissent l’aire du Champ de Mars, site officiel du carnaval. Chaque année, à la même époque, ces artisans à bout de souffle exposent à même le sol leur production sur le parcours du carnaval dans une tentative désespérée d’écouler des stocks d’invendus qui leur restent sur les bras souvent depuis des mois. Mais, tous leurs efforts se sont avérés vains. Ils sont repartis bredouilles puisqu’ils se sont heurtés à un marché totalement verrouillé, dominé par l’industrie des képis.
Le combat est inégal entre pot de terre et pot de fer. C’est David contre Goliath. Livrés à eux- mêmes, ces petits artisans, qui ne bénéficient d’aucun appui imaginatif et intelligent du gouvernement, savent que leur secteur -même s’il représente l’un des symboles de la créativité et du savoir-faire de l’artisanat haïtien- est à terme menacé.
Le chapeau n’a plus la côte et surtout n’a pas les reins assez solides pour soutenir cette concurrence déloyale. Pourtant, les chapeliers rivalisent de créativité dans cette foire spotanée afin de capter les rares acheteurs qui s’attardent devant leurs étalages, admirant leurs talents sans leur offrir des chances de vente significatives. La mévente constatée dans ce secteur, quand on y regarde de plus près, n’est pas le fruit du hasard et de la désaffection que subit l’artisanat haitien.
Singulièrement, l’utilisation de plus en plus rare du chapeau est la résultante d’une combinaison de facteurs tels l’effet de mode, la limitation de la production qui ne peut pas répondre aux commandes massives et surtout l’absence d’une politique gouvernementale d’appui au secteur artisanal.
Non seulement les pouvoirs publics n’encadrent pas l’artisan, mais ils ne développent aucune politique promotionnelle incitant la population à privilégier la consommation locale. On imagine aisément les ministères du tourisme, de la culture, de l’éducation et des affaires sociales -dont dépend d’ailleurs l’artisanat- lancés dans un effort conjugué en vue d’absorber la production soit en la subventionnant ou en achetant ces jolis chapeaux à des fins de distribution directe aux carnavaliers. Juste un zeste d’imagination ajouté à une once d’amour et un tout petit peu de souci du bien-être collectif ...c’est pas sorcier LPP/RK
http://www.radiokiskeya.com/spip.php?breve1628
Commentaires :
Le titre même de ces réflexions de notre compatriote Liliane a du attirer l’attention de tous ceux qui comme nous respirons et exhalons par les pores et les poumons tout ce qui fait de nous ce que nous sommes et que nous vantons d’être : des haïtiens natif-natals.
« Panama mwen tonbé » est un hymne à l’haitianité. Les troubadours sur le tarmak de l’aéroport international François Duvalier recevaient la bienvenue sur les airs de cette chanson :mwen soti lavil jakmel, mwen prale la vale/ Annarivan lakou benè panama mwen tonbe/ Panama mwen tonbe, Panama mwen tonbe/Panama mwen tonbe/sa ki dèyè ranmase li pou mwen.
Les haïtiens portaient des chapeaux. Et le Panama en était un des différents styles de la créativité débordante de nos chapeliers. Le Panama était le symbole d’une société qui fut. Une société avec ses inégalités certes mais une société avec des caractéristiques sui-generi identifiables, reconnaissables et « reproduisibles ».
Le vent de la deuxième indépendance a tout balayé, il a su comme ce serment sorti de la bouches des classiques français, tout-ce-bruit-pour-rien a su ingénieusement balayé notre fondement encore mal assuré.
Sans fondement sans confiance en nous et surtout en ce qui était bien et bon en nous, on est parti dans tous les sens en quête d’une putain d’identité qui n’a rien à voir avec nous.
Ce qui dans d’autres sociétés est vécu comme de la marginalisation d’un groupuscule qui se veut non-aligné, est ressenti chez nous comme modèle à pérenniser et transmettre de génération en génération.
C’est dans cette mouvance que le Panama a du laisser la place aux têtes papous des rasta et leur dread locks, notre carabela aux boubous africanoïdes.
Mais à la descente de l’avion après avoir surmonté le choc du paysage de Cité Soleil vu du ciel, ce serait apaisant d’écouter PANAMA MWEN TONBE pour revivre l’immense émotion ressentie une fois en 1998 lors d’un voyage à Cuba.
Après un séjour de deux semaines sur la terre de Fidel Castro, après une expérience médicale désastreuse avec un parent, je retournais enfin à Haïti chérie. Après les formalités d’immigration juste le temps de passer en salle d’attente avant l’embarquement, les voyageurs étaient remerciés une dernière fois par les notes musicales attendrissantes d’un petit groupe de musiciens exécutant du son typiquement cubain.
Au moment de mon passage, automatiquement ils se sont mis a jouer « mwen soti lavil jakmel, mwen prale lavale ». Pour moi c’était le plus beau des cadeaux. Les musiciens avaient lu sur mon visage toute la fierté de mon haitiannité. J’ai chanté avec eux. J’ai dansé seul. Je suis parti vers Haïti le cœur en joie, disposé à dire aux chimères et aux zenglendos que vous avez encore une fois perdu la bataille !
Avec les initiatives visant la relance des activités touristiques nous souhaitons une nouvelle vie aux Panamas et à nos chapeliers. Les stylistes de la mode de chez nous pourraient bien essayer de leur donner un coup de main.

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