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lundi 24 décembre 2007

Wainwright, créateur prolixe et inclassable

Frantz Wainwright (Kiki) boucle cette année ses cinquante ans dans notre paysage artistique et littéraire. Entretien avec l'auteur de la célèbre chanson « Haïti, terre de soleil ».

André Fouad: Frantz Wainwright, vous avez plusieurs cordes à votre arc. Que signifie pour vous être artiste issu de la première République noire indépendante du monde ?

Frantz Wainwright: L'art, c'est la vie, le réalisme merveilleux. C'est la conception de la beauté et la façon de représenter cette beauté. L'art n'est pas seulement la manifestation de la beauté, mais c'est aussi le langage populaire qui découle des maux de la vie quotidienne. En tant que poète, j'ai beaucoup parlé de mon pays, de ce qui est beau et agréable, de ce qui est laid et néfaste. L'art de dire et de raconter, c'est ce que je fais depuis mon jeune âge. A travers mes poèmes et mes chansons, je peins la vie sociale et politique de ma chère Haïti. Au théâtre, quand je monte sur les planches, je ne suis plus moi-même, je suis cet esclave qu'on a arraché de sa terre en Afrique pour pouvoir enrichir les colons de Saint-Domingue. Je suis ce réfugié qui laisse son pays sur une frêle embarcation en quête d'une vie meilleure en terre étrangère. Je suis fier d'être un artiste issu du pays de Jean-Jacques Dessalines.


A.F: Aviez-vous eu des modèles, des références à vos débuts dans le domaine artistique.

F.W : Pour la poésie, j'ai toujours admiré Charles Baudelaire, Carl Brouard, Félix Morisseau Leroy et mon père feu Camille Wainwright. En grandissant, j'ai appris à aimer les poètes et écrivains Jean-Paul Sartre, Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis et Paul Laraque. Mes musiciens préférés ont toujours été Raoul Guillaume pour sa poésie et Antalcidas Murat pour l'amour du folklore haïtien. Pour le théâtre, mes références étaient Denizé Petrus, Lucien Lemoine, Jacquelin Scott et Gérard Résil. Dans le domaine de la danse, à mes débuts, mon idole était Jean Léon Destiné. J'aimais aussi Catherine Dunham pour la chorégraphie.


A.F : Vous êtes l'un des membres de Sosyete Koukouy à Miami. On a célèbré cette année le 24e anniversaire de la Journée internationale du créole. Etes-vous satisfait du travail réalisé par cette société au cours de son existence?

F.W: Je suis satisfait du travail réalisé par Sosyete Koukouy au cours de ses quarante deux ans d'existence, cependant il y a tant d'obstacles a l'avancement du créole. La Chambre législative en Haïti, à mon avis, ne se soucie guère de faire appliquer la résolution de 1979 qui reconnaît le créole comme l'une des langues officielles du pays. Elle néglige aussi de faire respecter l'orthographe originale qui a été voté et accepté lors de la résolution de 1979.
Le 24e anniversaire de la Journée internationale du créole a été célébré de manière grandiose à Miami par la Sosyete Koukouy. Nous avons eu un congrès avec des gens venus du Canada, d'Haïti, de Connecticut, de Tampa Bay, de Florida et de Homestead Florida. Le congres s'est terminé après trois jours avec une partie culturelle avec poésie, chant et danse. A l'issue du congrès, Sosyete Koukouy a rédigé une résolution officielle qui sera présentée bientôt dans les journaux
.


A.F : Quels sont vos moments de joie et de mélancolie dans votre carrière ?

F.W: Les moments de joie, je les compte par milliers. Chaque fois que je suis en scène en tant que chanteur ou bien poète, acteur de théâtre ou encore quand j'étais autrefois un danseur folklorique professionnel, cela a toujours été un hommage à la vie. Je célèbre cette année le 50e anniversaire de ma carrière artistique. Je n'ai pas eu des moments de mélancolie, mais plutôt des frustrations. Oui, j'ai eu deux moments de frustration. Le premier, c'est quand j'ai appris que le groupe musical « Les Loups noirs » avait interprété l'une de mes chansons, «Manman Cheri » sans ma permission et l'avait intitulé « Fleur blanche ». Les paroles et la musique n'ont pas été altéré. On avait aussi omis de mettre mon nom comme l'auteur de la chanson. Il ne pouvait le faire de toute façon, car le titre de ma chanson n'était pas « Fleur blanche » mais bien « Manman Cheri ». Le deuxième moment de frustration, le plus récent, se trouve dans l'album de Fabienne Denis « Rele lwa ».

On a interprété l'une de mes chansons « Depi nan Ginen » qui avait apparu sur l'album du groupe vocal « The Haitian Bells » en 1973 dont je faisais partie à ce moment. On a modifié un peu les paroles, mais la mélodie est restée la même et on l'a intitulée « Negès» paroles et musique de Dentha Henry. C'est un acte malhonnête de la part de ces gens. Mais cela n'empêche pas que ma carrière soit remplie de joie et de succès.


Notice biographique:

Ne à Port-au-Prince le 24 septembre 1937. Il a fait ses études primaires et secondaires à l'Institution Saint Louis de Gonzague et au collège Devieux. Après son baccalauréat, il s'est adonné corps et âme à l'art. Il a collaboré avec le groupe musical « Shleu Shleu » qui a interprété plusieurs de ses chansons, parmi lesquelles « Haïti mon pays » et « Haïti, terre de soleil ».Il a dansé avec la troupe Bacoulou de Mme Odette Wiener. Il a fondé avec feu Viviane Dennerville Pluviose la troupe Balendjo dont Vivianne était la directrice. Kiki est un artiste polyvalent. Il est poète, chanteur, compositeur, dramaturge, danseur, chansonnier, tambourineur et conteur. Il a déjà publié plusieurs livres de poésie en créole et en français. Il a aussi publié deux livres de contes. Il a son actif quatre albums de chansons et un album de poésie en français. Il a collaboré avec le groupe musical progressiste « Grenn banbou ». Il a fondé à Miami un groupe de musique racine Ayabonmbe. Kiki a pris sa retraite comme travailleur social après avoir prêté ses services pendant vingt ans à l'Etat de la Floride aux Etats-Unis.

(Propos recueillis par André Fouad)

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